Conseil n°1 : Éprouvez votre motivation.
Un concours de romans ne s’aborde pas comme un concours de nouvelles. Il ne s’agit pas ici de rendre un texte de quelques pages mais bien de produire à terme un ouvrage complet d’une centaine de pages au minimum. Pour le concours Flammarion par exemple, la limite est en soi affreuse et complètement déplacée par rapport à l’objet : un synopsis de 5000 signes maximum, ainsi qu’un démarrage de 7500 signes maximum. 7500 signes, ce n’est rien ou pas grand-chose, le premier chapitre, 8 à 10 pages en interligne double, autant dire une tête d’épingle dans un projet romanesque. Avant de vous engager, et parce qu’on a rappelé les statistiques en ce domaine (beaucoup de velléitaires, de vantards et peu de personnes qui vont au bout), reposez-vous la question : est-ce que j’ai envie d’écrire ou juste de prétendre que je suis écrivain ?
Rappelons les fondamentaux du métier : s’enfermer dans une pièce vide et composer des histoires pendant des jours et des jours. Est-ce que je ne préfère pas sortir en boîte, me faire des amis sur facebook ou partir en vacances avec ma famille ? Avant de vous y mettre, soyez clair avec vous-même, cela vous évitera… de vous décevoir. Il y a deux choses horribles lorsqu’on se met à écrire : la première est de ne pas y arriver du tout, la seconde de ne pas y arriver tout à fait.
Conseil n°2 : Restez modeste.
Pour aborder un concours de ce genre et plus généralement le travail romanesque, la modestie s’impose. Difficile de se poser en révolutionnaire sur le premier jet, gardez cela pour le deuxième ou le troisième roman. Imposez-vous une relecture technique et mécanique des romans que vous préférez, décortiquez-les et vous verrez que bien souvent ils reposent sur une ambition simple et mesurée, s’inscrivent dans une lignée existante et une filiation relativement commune pour l’époque. Même les grands révolutionnaires, du fond et de la forme, y sont allés piano. Les grandes avancées (Joyce, Proust, K. Dick,…) sont des avancées de moineau par rapport au cours de l’histoire romanesque. Ne vous prenez pas les pieds dans le tapis.
Pour un concours, pensez que les jurés se considèrent, par nature, comme plus doués et supérieurs à la majorité des talents qu’ils vont croiser : ne soyez pas prétentieux, jouez la carte de la simplicité.
Conseil n°3 : Instaurez une routine (hygiène) de travail.
On revient aux conséquences du conseil n°1. Il ne suffit pas de vouloir écrire un roman : il faut l’écrire. Pour cela, une seule solution : se plonger dans la routine de l’écrivain. Rejetez l’imagerie rimbaldienne : ni drogue, ni alcool, ni dérèglement des sens, pas de flânerie et de virées au bistrot. Un ordinateur, un crayon, une feuille, un Paperblanks, ce que vous voulez. On ne parle pas ici de rendre une copie de français ou une composition qu’on préparerait la veille de sa restitution. Il s’agit d’un roman, de centaines d’heures de travail. Pour réussir, il faut que vous vous astreignez à écrire et donc à consacrer un temps régulier et préservé pour ce travail. Vous aimez écrire ? Oubliez ça : au fil des pages, des versions, des réécritures, cela deviendra quelque chose que vous essayerez d’éviter à tout prix. Vous aurez toujours quelque chose de mieux à faire. Conseil d’ami : une plage de travail régulière, sanctuarisée.
Si vous n’avez rien à écrire, si vous n’avez pas envie, enfermez vous et regardez votre page blanche jusqu’à ce qu’elle vous fasse mal aux yeux. C’est ainsi qu’on apprend et qu’on éprouve sa vocation. Que les choses soient dites : vous ne serez pas écrivain après le premier chapitre, après le deuxième. Vous ne serez pas écrivain après le plan, le script ou le synopsis. Vous ne le serez que lorsque vous aurez TOUT terminé une fois et que vous serez prêt à recommencer.
Conseil n°4 : Ne versez jamais dans l'ennui.
Que ce soit pour un concours ou pour une publication traditionnelle, posez-vous la question : est-ce que ce que je raconte est intéressant ou chiant comme la mort ? Si vous vous relisez immédiatement ou quelques jours plus tard et que vous-même éprouvez de l’ennui à vous lire, avez envie de sauter certains passages (le signe suprême), c’est que quelque chose cloche. Pensez aux fondamentaux du travail en feuilleton (on n’a jamais fait beaucoup mieux) : un événement par chapitre au minimum, un élément qui fait avancer le schmilblick, un facteur d’évolution des personnages, une surprise. Si vous vous ennuyez vous-même à écrire et à raconter, changez de loisir.
Conseil n°5 : Fichez vos personnages.
La règle d’or de la composition romanesque vaut pour tous les genres : il faut soigner ses personnages. Pour l’exercice proposé par WeLoveWords/Flammarion par exemple, il va vous falloir au moins 2 personnages centraux et amoureux (homme-femme, femme-femme, homme-homme, évitez la zoophilie et la pédophilie, encore qu’un extra-terrestre peut être utilisé à bon droit). Il vous faudra aussi un élément perturbateur (un méchant ou un événement exogène type maladie, origine sociale, événement politique,…).
Pour chacun de ces caractères, vous pouvez dresser une petite fiche avec le nom, prénom, les origines sociales, le caractère, profession, goûts, dégoûts, description physique,…. Inscrivez tout cela le plus clairement possible, sur le papier ou dans votre tête, et passez au crible de ce profil psychologique toutes les situations que vous proposerez ensuite à ces personnages. S’agissant du thème de la comédie romantique, vous pourrez jouer sur les motifs du genre, plutôt cinématographiques : revoyez les films de Capra ou de Blake Edwards pour l’inspiration.
Pour chacun de ces caractères, vous pouvez dresser une petite fiche avec le nom, prénom, les origines sociales, le caractère, profession, goûts, dégoûts, description physique,…. Inscrivez tout cela le plus clairement possible, sur le papier ou dans votre tête, et passez au crible de ce profil psychologique toutes les situations que vous proposerez ensuite à ces personnages. S’agissant du thème de la comédie romantique, vous pourrez jouer sur les motifs du genre, plutôt cinématographiques : revoyez les films de Capra ou de Blake Edwards pour l’inspiration.
A priori le meilleur schéma consiste à prendre des personnages que tout oppose et qui vont être réunis (ou non) et se découvrir au fur et à mesure du récit. A partir de là, tout est possible : mort, SF ; réincarnation, divorce, adultère, homosexualité, trahison, voyages, vie de couple…. C’est là que démarre le boulot. Mais tout cela ne marchera que si vos personnages principaux ont été préalablement bien définis.
Conseil n°6 : Collez au thème du concours.
Le jury fonctionnant au départ comme une petite démocratie, il est à parier que le travail récompensé se situera dans la juste moyenne de ce qui est acceptable. Si un léger décentrement par rapport au thème est à conseiller (il ne faut SURTOUT pas paraître scolaire ou besogneux), une variation trop subtile ou que vous seriez le seul à comprendre par rapport au thème principal vous éliminerait à coup sûr.
Lisez attentivement les instructions du concours. Pour celui de Flammarion en l’occurrence : « Gardez le happy end, explique-t-on, scénarisez, mais soyez réaliste, trash, signifiant, moderne. » Qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’on n’est pas prêts à publier le nouveau Mishima et à céder sur le public cible qui a été pré-étudié (sans doute en souffflerie marketing) pour recevoir ce cadeau de Dieu : votre futur manuscrit. Comédie romantique veut dire ce que ça veut dire : la fin heureuse, les oiseaux qui chantent et les petites fleurs dans les yeux. Pas la peine de s’en affranchir. Il y aura toujours quelqu’un dans le jury qui lèvera le doigt en disant : « Je suis désolé, pour moi, le romantisme ce n’est pas ça. C’est un bon livre mais il n’est pas assez dans le thème. » Pariez ce que vous voulez que cette voix finira TOUJOURS par l’emporter.
Conseil n°7 : Ne recherchez pas l'originalité à tout prix
Ce conseil de bon sens s’articule évidemment avec le précédent. Il y a deux erreurs à ne pas commettre lorsqu’on s’engage dans l’écriture d’un roman, a fortiori pour un concours : la première est de croire qu’il s’agit d’un travail de fantaisiste, d’un produit de l’imagination ; la seconde est de penser qu’il faut à tout prix être original parce ce que c’est ce qui fait la différence. Même lorsque Baudelaire vous invite à plonger vers le « Nouveau », il sait qu’il n’en sera rien et que le « Nouveau » en question a toutes les chances de ne pas s’écrire… après lui.
L’appréciation de l’originalité ne tient pas au jugement que vous en aurez, pas plus qu’elle ne repose a priori sur une tentative de faire original. Ce qui nous amène au conseil n°8.
Conseil n°8 : Écrivez à propos de ce que vous aimez. Mais soyez précis.
Il fut un temps où le conseil du chef était d’écrire sur ce qu’on connaît. La doctrine s’est assouplie avec les années et on peut considérer qu’il est admis aujourd’hui d’écrire sur ce qu’on aime, sur ce qui nous intéresse. Cela signifie en clair que vous êtes autorisé à écrire sur tout (le Japon ou l’Afrique, même si vous n’y avez jamais foutu les pieds) à condition que vous aimiez ça et donc que vous fassiez l’effort nécessaire pour devenir irréprochable sur le sujet. Vous pouvez vous autoriser quelques approximations mais pas au démarrage : soyez précis, documentez-vous, potassez votre sujet, cherchez des plans, des faits (un travail de préparation aujourd’hui extrêmement facilité par Internet). Voyez Houellebecq et sapolémique Wikipedia.
Considérez que la littérature est une sorte d’oral d’examen dont vous avez le choix du sujet. « Mon héros ne doit pas être un ingénieur en physique nucléaire si je n’ai moi-même aucune notion de ce que cela implique. Mon héroïne ne doit pas être une SDF travelo brésilien si je ne sais rien sur les travelos brésiliens, etc, etc. »
Conseil n°9 : Faîtes un plan.
Il est probable que si vous écrivez un livre un jour, votre plan de départ explosera en vol, qu’il sera amendé, retouché, détourné, voire carrément parasité par d’autres fils narratifs, des dérivations,…. Cela ne veut pas dire que vous pouvez vous engager dans l’écriture avec votre seul génie en bandoulière. Le plan que vous aurez noirci avant l’aventure un peu à la va vite et dans l’excitation de votre « création » dionysiaque va très vite devenir votre SEUL ami quand vous vous retrouverez comme un gland dégrisé devant votre table de travail. Accrochez-vous à lui, revenez y comme s’il avait été préparé par un autre, faites lui cracher la vérité du livre et vous serez d’autant plus libre ensuite pour ne pas lui obéir.
Qu’est-ce qu’un plan au juste ? Est-ce un scène à scène, un page à page, un simple draft avec les grandes lignes de l’histoire, un chapitrage grossier où l’on inscrit ce qui va se passer ? Les concours vous invitant à adopter une logique cinématographique, le plus simple est certainement de découper votre futur roman en chapitres décrits à la façon de scènes de théâtre : où sommes-nous, quand, avec qui, qu’est-ce qui se passe... Petite astuce, toujours empruntée aux feuilletonistes, inscrivez noir sur blanc pour chaque scène la « couleur », l’ambiance ou la tonalité que vous voulez donner à la scène : comédie, tragédie, fantastique (évitez les scènes de sexe pour un premier roman, s’il vous plaît, les clichés, les trucs torrides),….
Conseil n°10 : Ne demandez pas l’avis de vos proches.
Je choisis volontairement d’évoquer cette question cruciale à la fin. L’écrivain doit être seul le plus longtemps possible. Considérez une fois dans votre vie que vous êtes le dernier homme, que vous ne connaissez personne et surtout pas quelqu’un capable d’apprécier ce que vous faîtes. Vos amis vous admireront ou vous mépriseront, ils vous aimeront plus ou moins, mais une chose est sûre ILS VOUS MENTIRONT. Votre épouse est faite pour ça, n’est-ce pas ?
Il n’y a rien de plus amateur que d’aller se faire relire (le cuir) dès qu’on a noirci 10 pages. Est-ce qu’il viendrait à l’idée d’un ouvrier du BTP d’aller rameuter du monde après qu’il a posé la première ligne de parpaing ? Un jardinier fait-il admirer son travail avant les semailles ? Si vous voulez être respecté et sérieux, n’allez pas au conseil avant d’avoir bouclé votre projet. Ne vous réfugiez pas derrière les pénibles « ce n’est qu’un premier jet », « il y a encore beaucoup de travail dessus ». Ce n’est pas parce que vous essayez d’écrire qu’il faut, en plus, être pathétique. Vous le serez suffisamment en d’autres occasions. Soit vous êtes assez sûr de vous pour dépasser le conseil n°1 et tout ce qu’il implique, soit vous feriez mieux de rester chez vous à regarder la télé.
Il n’y a rien de plus amateur que d’aller se faire relire (le cuir) dès qu’on a noirci 10 pages. Est-ce qu’il viendrait à l’idée d’un ouvrier du BTP d’aller rameuter du monde après qu’il a posé la première ligne de parpaing ? Un jardinier fait-il admirer son travail avant les semailles ? Si vous voulez être respecté et sérieux, n’allez pas au conseil avant d’avoir bouclé votre projet. Ne vous réfugiez pas derrière les pénibles « ce n’est qu’un premier jet », « il y a encore beaucoup de travail dessus ». Ce n’est pas parce que vous essayez d’écrire qu’il faut, en plus, être pathétique. Vous le serez suffisamment en d’autres occasions. Soit vous êtes assez sûr de vous pour dépasser le conseil n°1 et tout ce qu’il implique, soit vous feriez mieux de rester chez vous à regarder la télé.
L’écriture est du début à la fin un acte solitaire. Vous ne trouverez pas un écrivain compétent qui vous dise autre chose. Si votre but est d’être publié ou de remporter un concours, n’autorisez personne d’autre que vous à poser les yeux sur votre manuscrit avant d’avoir reçu le verdict implacable de l’éditeur ou du jury. Le reste serait une perte de temps et une vaine tentative d’amortir un choc qui viendra s’il doit venir.
A vos plumes, partez….